Récolte de pomme de terre à Majes

 

Tout pousse ou presque dans la belle vallée de Majes. Des fruits à foison, comme ces papayes gigantesques de la taille de pastèques ou ces micro mangues aussi petites que délicieuses. Mais aussi maïs, manioc, et raisin qui sera distillé en pisco, sans oublier les célèbres crevettes de rivière qui font la renommée de Majes. Les deux principales cultures sont le riz et la pomme de terre, les deux aliments de base du Pérou. Le riz est cultivé en été de septembre à février ; les pommes de terre le sont en hiver, d’avril à août, sur la même terre que les rizières.

Nous sommes justement à Majes alors que juillet se termine, à pic pour la récolte des pommes de terre. Si les températures n’atteignent pas celles de l’hiver français, les nuits et les matinées sont fraîches, surtout qu’aucune maison n’est équipée de radiateur. Le champ de pommes de terre où nous nous rendons de bon matin appartient à l’hacienda des Cáceres, une importante famille de la vallée. On y accède depuis le village de Corire après avoir franchi le fleuve Majes sur un pont artisanal de pierre et de bois. Détruit chaque année au printemps par la crue, il est reconstruit à l’automne par les villageois. Le champ est bordé par des canaux d’irrigation qui rappellent que sans la fleuve nous serions en plein désert. Il ne tombe que 5 millimètres de pluie par an. Au loin, se dressent les immenses collines ocres, qui encadrent la vallée du haut de leurs 1500 mètres et la rendent si spectaculaire.

Un tracteur commence par retourner la terre pour en extraire les pommes de terre qui jaillissent par dizaines et tapissent bientôt le sol. Un œil avisé reconnaîtrait la variété canchan, une des milliers qui poussent au Pérou, berceau historique de la pomme de terre domestiquée il y a près de 10.000 ans et qui reste incomparable réservoir génétique. Certains affirment non sans raison que la pomme de terre est le grand don des Péruviens à l’humanité.

A la suite du tracteur, une cinquantaine de journaliers s’affaire sous le regard du propriétaire. Un verre de pisco matinal vient les réchauffer. Le dernier est versé par terre pour la Pachamama. La récolte est menée tambour battant au son d’un huayno diffusé par une petite radio. Les pommes de terre sont reparties en trois groupes. Les plus grosses, bien plus volumineuses que celles qu’on trouve en France dépassent largement le kilo. Elles seront vendues les plus chères. Les moyennes constituent le gros de la récolte. Les plus petites, rassemblées avec les abimées et les difformes sont destinées aux cochons. Les pommes de terre sont chargées une par une dans des sacs de 120 kg chacun, qu’un employé ferme en les cousant avec une rapidité impressionnante. Ils sont portés à dos d’homme jusqu’aux camions. Le prix de la pomme de terre est volatile. Cette récolte sera vendue à 0,7 soles le kilogramme. Les pommes de terre seront vendues quatre fois ce prix sur les marchés péruviens.

La journée se termine enfin mais tous reviendront les jours suivants pour s’occuper des autres champs. Une grande pachamanca, des pommes de terre cuites à l’étouffée dans le sol recouvert de pierres chaudes était traditionnellement préparée par Don Jorge Cáceres pour fêter la fin de la récolte. Mais ce dernier n’est plus et ses enfants n’ont pas repris cette coutume. Les journaliers viendront donc seulement récupérer leur solde à l’hacienda, 50 soles par jour de travail. En septembre, le travail reprendra sur cette même terre pour inonder le champ jusqu’à en faire une rizière et repiquer le riz.

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