Si Chabuca Granda a merveilleusement raconté le crépuscule de l’ancienne Lima, c’est sans doute Chacalón qui a le mieux chanté son nouveau visage. Fuyant la pauvreté puis la violence du terrorisme dans les années 1980, des millions de paysans péruviens quittèrent les Andes pour la capitale du Pérou. S’installant dans des bidonvilles toujours plus immenses, leurs petites baraques grignotèrent peu à peu les collines avoisinantes. Ils trouvèrent ou plutôt créèrent des emplois précaires souvent misérables: domestique, vendeur ambulant ou chauffeur de taxis.
Si la première génération de migrants était marquée par la mentalité des villageois andins, symbolisée par la musique huayno, leurs enfants allaient s’en affranchir pour développer leur propre musique. Cette musique, c’est la chicha, ce mélange longtemps méprisé, mais jamais égalé, de rythme colombien de la cumbia, du verni moderne de la guitare électrique et des synthétiseurs, et des mélodies andines inspirées du huyano. Si la cumbia péruvienne a eu comme créateur Los Destellos, la chicha a eu son “pharaon” en la personne de Lorenzo Palacios Quispe, alias Chacalón. Aîné d’une fratrie de douze, il est né et a grandi dans le quartier pauvre d’El Agustín. Au sein du Grupo Celeste puis en solo, il est devenu le porte-voix de ces enfants des montagnes nés dans la tentaculaire Lima. Avec ses mots sans chichi mais non sans kitsch, il a chanté leur lutte difficile mais pleine d’espoir, comme dans son plus grand tube, Soy Muchacho Provinciano.
Chacalón y la nueva crema – Muchacho Provinciano (traduction)
Je suis un garçon provincial
Je me lève très tôt
Pour aller avec mes frères
travailler
Je n’ai ni père ni mère
Ni chien qui aboie
Je n’ai que l’espérance
de progresser
Je cherche un nouveau chemin dans cette ville
où tout n’est qu’argent et méchanceté
avec l’aide de Dieu, je sais que je réussirai
et avec toi mon amour, je serai heureux
je serai heureux, je serai heureux
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Soy muchacho provinciano me levanto muy temprano
para ir con mis hermanos
ayayay a trabajar
no tengo padre ni madre
ni perro que a mi ladre
solo tengo la esperanza
ayayay de progresar
busco un nuevo camino en esta ciudad
donde todo es dinero y hay maldad
con la ayuda de Dios se que triunfare
y junto a ti mi amor feliz sere
feliz sere oh oh feliz sere
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Chacalón y la nueva crema – Muchacho Provinciano.
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