La dernière valse

La musique péruvienne criolla est à bien des égards d’un autre temps. Ses valses et ses amours romantiques ne font plus recette. Elle est sortie quelques fois l’an de son formol à l’occasion des Fiestas patrias ou du Jour de la Canción Criolla. Si les médias péruviens évoquent ses vieilles gloires, c’est dans la rubrique nécrologie. Pourtant, loin des charts et des paillettes, des fidèles cultivent encore son souvenir. Le vidéaste et globe trotteur Vincent Moon en témoigne dans trois films de sa formidable série Sonidos del Perú.

La premier se passe dans le bar Queirolo, une institution de Lima qui existe depuis plus de cent-trente ans. Un certain Fernando fait le tour des tables, chantant à la demande contre quelques soles. Si on se trompe pas, il s’agit de Fernando Limo, qui a été guitariste de Los Destellos. Il ne joue cependant pas de la cumbia péruvienne mais des standards criollos. Nada soy, Tinta roja, Que viva chiclayo, El Parisien, La Abeja, Alma corazon y vida, De vuelta al barrio, Chiclatanita… qu’ils aient quarante, cinquante ou soixante ans, et même ainsi chantés dans leurs plus simples appareils mais non sans talent par Fernando, ces compositions n’ont rien perdu de leur beauté.

 

La seconde vidéo nous présente rien de moins que la “cathédrale du criollismo” du nom de ce groupe de gardiens du temple de la musique criolla créé par Wendor Salgado Bedoya et qui se réunit religieusement toutes les semaines dans un petit appartement du quartier de Breña à Lima. Ces musiciens de haute volée, et de toutes générations, jouent entre eux, rien que pour eux. Il n’y a plus de public, mais cela ne les empêche pas de chanter avec une passion intacte et la fierté de conserver ce trésor qu’est la chanson criolla.

La dernière vidéo se passe à El Tigre, une de ses peñas liméniennes où se retrouvent les derniers amoureux de la musique criolla. Les musiciens comme leur public épart ne sont plus tout jeune. Des guitares et des cajones, des bières et de vieux amis, font revivre le temps d’une valse, les amours et le Lima d’antan. Derrière ces voix un peu fanées et les étreintes fatiguées, les coeurs vibrent comme jamais. Car à l’image de la musique créole elle-même, et comme le chante Volver a empezar, il n’est jamais trop tard pour aimer:

“Jamás es tarde para amar,así lo entiendo;
si el corazón pudiera al palpitar,te lo estaría diciendo.

Y tú no lo pretendas ocultar  porque tus labios gritan sin hablar;
si estás enamorado puedes volver a empezar.”

 

Les morceaux enregistrés lors des tournages peuvent être écoutés et téléchargés sur le bandcamp de Petites Planètes:

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