Orénoque-Amazone d’Alain Gheerbrant

Quelle aventure ! C’est ce qu’on dit en refermant Orénoque-Amazone au terme de chapitres haletants.  Car c’est bien d’aventure avant tout qu’il s’agit. Il y a certes au cœur de l’expédition d’Alain Gheerbrant une ambition ethnographique : celle de rencontrer et d’enregistrer des peuples amérindiens dont certains non encore contactés pacifiquement, désignés dans le livre comme les Guaharibos, mais connus aujourd’hui sous le nom de Yamomani.

L’équipe d’Alain Gheerbrant y parviendra ; il décrit les fêtes auxquelles ils assistent, leurs tentatives pas toujours couronnées de succès pour que les caciques leur raconte les mythes fondateurs, les captations de chants et de danses, et cette vie quotidienne radicalement différente de la nôtre. Cela reste forcément toujours un peu superficiel, compte-tenu de la barrière de la langue, du peu de temps passé sur place et des réticences de ces Hommes à délivrer leurs secrets (on aurait même pu mettre homme avec un petit h tant les femmes sont reléguées au second plan).

Mais cette expédition est surtout la réalisation d’un rêve de gosse; celui d’être un explorateur. Alain Gheerbrant et ses trois compagnons ont pour but premier de rallier pour la première fois le Brésil par la Colombie en passant par la sauvage Sierra Parima. Il n’a pas fait sienne la célèbre formule de Claude Levi- Strauss « Je hais les voyages et les explorateurs ». L’auteur nous conte dans le détail les périls insensés que l’expédition affronte et qui en font le sel autant que les trésors qu’ils rapportent (des films, des enregistrements audio, des arcs et des coiffes…) : les moustiques qui se repaissent de leur chair, les nuits à la belle étoile en hamac sous des pluies diluviennes, les longues marches à travers des pistes au cœur de la jungle amazonienne finies à pied nus après que les dernières chaussures aient rendue l’âme, les descentes de rapides sur des pirogues surchargées, la chute dans des eaux infestées de piranhas, les repas faits de viande de caïman, de singe ou de pécaris, mais aussi les maladies diverses et variées, la faim voire la famine quand le gibier se fait absent, et toutes ces personnes mystérieuses rencontrées en cours de voyage, souvent des hommes entre les deux mondes qui servent d’interprètes et tous ces anonymes qui les assiste pour porter leur tonne de matériel. Et bien sur en épiphanie les rencontres avec les Indiens tels que l’auteur les rêvait: nus ou presque, peinturlurés et armés d’arcs et de flèches. Pas cannibale, il le regretterait presque.

Si l’ambition littéraire est présente (l’auteur est à la base un éditeur au nez fin) on n’est pas dans la philosophie mélancolique d’un Levi-Strauss* ni dans le journal intime d’un Henri Michaux* où le voyage est un prétexte à l’introspection et à la dissertation. C’est avant tout un récit d’explorateur à la découverte de sauvages. Si un tel projet peut sembler un peu daté aujourd’hui, le livre n’a rien perdu de sa force par son regard de passionné et son respect pour les peuples autochtones.


*Tristes tropiques

**Ecuador

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