La plus péruvienne des chansons françaises

La musique péruvienne est souvent décrite en France comme une musique d’un autre lieu, d’un autre temps, qui serait restée inchangée depuis l’époque des Incas. Rien n’est moins vrai, comme en témoigne la chanson Que Nadie Sepa Mi Sufrir.

Elle fut composée en 1936 par deux Argentins, Enrique Dizeo et de Ángel Cabral, dans le pur style de valse criolla peruana, c’est à dire la valse créole du Pérou, genre très populaire dans l’Amérique du Sud des années 30. Le morceau a été repris dans tous les styles par toutes les stars et à toutes les époques et notamment par une certaine… Edith Piaf. Que Nadie Sepa Mi Sufrir est en effet l’original du classique de la chanson française, La Foule !

La preuve que la musique péruvienne n’est jamais si lointaine et exotique qu’on pourrait le croire.

 

3 thoughts on “La plus péruvienne des chansons françaises

  1. Cher Administrateur, permettez-moi de vous signaler que, dans votre blog “Mon Pérou” que j’apprécie beaucoup, qui est bien informé, avec des critiques mesurées et des aperçus intéressants, des rapprochements inédits et des avis que je partage presque toujours, il y a parfois des coquilles qui ne sont pas au niveau de la qualité rédactionnelle d’ensemble du texte. Par exemple, dans cet article consacré à la “plus péruvienne des chansons françaises” (La Foule/Que Nadie Sepa Mi Sufrir), il manque des lettres (ou bien lettres en trop) dans : -“moins vrai” -“pur style” -“Nadie”. Et il faut dire (en italique, en tant que termes étrangers) “(pur style de) vals criollo peruano”, car “vals” est masculin en espagnol. Pourriez-vous les corriger? Merci de votre attention.
    Puis-je me permettre aussi de vous proposer, pour compléter cet article, le texte original de ce “vals peruano” avec la traduction en français que j’en ai faite, ainsi que le texte de la transposition immortelle de Piaf, adapté en français par Michel Rivgauche (pseudo de Mariano Georges Antoine Ruiz). Vous avez raison, c’est un grand standard international qui mérite bien cet hommage.
    La splendide (et parfois immémoriale) musique des Andes a été en effet à l’origine de beaucoup de belles chansons françaises, comme “La Peregrinación/A la Huella” – (Felix Luna/Ariel Ramírez) pour “Alouette, alouette” (Gilles Dreu, 1968) ; et même peut-être “Ce n’est rien” (Etienne Roda Gil/Julien Clerc, 1971) a-t-elle été inspirée par la musique andine ; on trouve aussi “Quiaquenita” pour “Dis à ton fils” (de Maurice Dulac en duo avec Marianne Mille en 1970) ; ou “Vírgenes del Sol” (danse traditionnelle péruvienne ou “fox incaico”, de Jorge Bravo de Rueda au début du XXe siècle) pour “Libertad” (paroles en en français) des mêmes Maurice Dulac et Marianne Mille en 1970 ; et Hugues Aufray qui a été beaucoup inspiré par les Andes : “Los Garceros” (Juan Vicente Torrealba /Germán Fleitas Beroes) pour “Le Rossignol anglais”, “La Bolivianita” pour “Je reviens”, “La Vidita San Lorenzo/Viditay” (par Los Jairas entre autres) pour “Vidita je m’en vais” (par Hugues Aufray, 1967), “Paloma Hirpastay” pour “Des jonquilles aux derniers lilas”, “El Gavilán” de Ignacio « Indio » Figueredo (musique llanera du Venezuela) pour “L’Épervier”, ou encore “Si tú me olvidas/De terciopelo negro, Huambritaÿ” (Jorge Araujo Chiriboga) pour “De velours noir” ; de même que, comme vous l’aviez signalé, “La Colegiala” (Cumbia Clásica peruana, de de Walter Leon y Los Ilusionistas, 1975) a été adaptée en français par Richard Gotainer sous le titre “Les frappés du café” en 1996, et par Joël Denis sous le titre “Nostalgique” ; bien sûr, n’oublions pas le “second hymne du Pérou”, à savoir “El cóndor pasa” (d’une zarzuela de Daniel Alomia Robles et Julio Baudouin de La Paz, 1913), qui a aussi été adapté en français avec Los Incas pour Marie Laforêt dans deux versions : “Sur les chemins des Andes” (1966), et “La Flûte Magique” (1968), donc bien avant le succès planétaire de Simon and Garfunkel “If I could” ; à ce sujet, et pour tous ceux qui aiment le Pérou et la musique andine, je vous invite à lire l’article détaillé que j’ai pour l’essentiel rédigé sur la zarzuela et le thème d’El cóndor pasa dans le Wikipédia en français ; enfin la “Lambada” de Kaoma, qui vient en fait de “Llorando se fué” des boliviens de Los Kjarkas, a aussi été adaptée en français par Joël Denis. Je tiens à votre disposition, si vous le souhaitez, les textes et traductions de toutes ces chansons.
    Mais voici en attendant ceux qui concernent votre présent article :

    ♪Que Nadie Sepa Mi Sufrir♪
    titre remplacé parfois par Amor de mis amores,
    musique: Ángel Cabral (Argentine), paroles: Enrique Dizeo
    (Vals peruano, 1936)

    No te extrañas si te digo lo que fuiste
    Una ingrata con mi pobre corazón
    Porque el brillo de tus lindos ojos negros
    Alumbraron el camino de otro amor.

    Y pensar que te adoraba tiernamente,
    Que a tu lado como nunca me sentí,
    Y por esas cosas raras de la vida,
    Sin el beso de tu boca yo me vi.

    Amor de mis amores,
    Dueña mía, ¿Que me hiciste
    Que no puedo consolarme
    Sin poderte contemplar?

    Ya que pagaste mal
    Mi cariño tan sincero,
    Lo que conseguirás
    Que no te nombre nunca más.

    Amor de mis amores,
    Si dejaste de quererme,
    No hay cuidado que la gente
    De esto no se enterará.

    ¿Que gano con decir
    Que otro amor cambio mi suerte?
    Se burlarán de mí,
    ¡Que nadie sepa mi sufrir!

    Y pensar que te adoraba ciegamente
    Que a tu lado como nunca me sentí
    Y con esas cosas raras de la vida
    Sin el beso de tu boca yo me vi… (Avec Paco Ibañez à la guitare, par exemple)
    _____________________________________________

    ♪Que Nadie Sepa Mi Sufrir♪
    {Que personne jamais ne sache ma souffrance} (Valse péruvienne)

    Ne sois pas étonnée si je te dis que tu as été
    Ingrate envers mon pauvre cœur
    Car l’éclat de tes jolis yeux noirs
    A illuminé le chemin d’un autre amour.

    Quand je pense que je t’adorais tendrement,
    Qu’à tes côtés j’ai éprouvé des sentiments comme jamais auparavant,
    Et à cause de ces choses rares de la vie,
    Je me suis retrouvé sans le moindre baiser de ta bouche

    Amour de mes amours, (mon plus grand amour)
    Ma reine, que m’as-tu fait ?
    Pour que je sois inconsolable
    De ne pas pouvoir te contempler ?

    Tu as bien mal payé
    Mon amour si sincère
    Ce que tu as gagné, c’est qu’en retour
    Plus jamais je ne prononcerai ton nom.

    Amour de ma vie,
    Si tu as arrêté de m’aimer
    N’aie pas peur que les gens
    Apprennent cela

    Que gagnerais-je si je disais
    Qu’un autre amour a changé mon sort ?
    Ils se moqueraient de moi,
    Que personne jamais ne sache ma souffrance !

    Quand je pense que je t’adorais aveuglément (d’un amour aveugle),
    Que près de toi je me suis senti comme jamais
    Et après ces moments uniques dans toute ma vie
    Me voilà abandonné sans même un baiser de toi [traduction : Laurent Glaviano]
    ________________________________________________________

    ♪La foule♪
    par Edith Piaf (1957), adapté en français par Michel Rivgauche (pseudo de Mariano Georges Antoine Ruiz). Après le succès de l’adaptation française, la version originale a été remise à la mode sous le titre espagnol Amor de mis amores.

    Je revois la ville en fête et en délire
    Suffoquant sous le soleil et sous la joie
    Et j’entends dans la musique les cris, les rires
    Qui éclatent et rebondissent autour de moi

    Et perdue parmi ces gens qui me bousculent
    Étourdie, désemparée, je reste là
    Quand soudain, je me retourne, il se recule,
    Et la foule vient me jeter entre ses bras…

    Emportés par la foule qui nous traîne
    Nous entraîne
    Écrasés l’un contre l’autre
    Nous ne formons qu’un seul corps
    Et le flot sans effort
    Nous pousse, enchaînés l’un et l’autre
    Et nous laisse tous deux
    Épanouis, enivrés et heureux.

    Entraînés par la foule qui s’élance
    Et qui danse
    Une folle farandole
    Nos deux mains restent soudées
    Et parfois soulevés
    Nos deux corps enlacés s’envolent
    Et retombent tous deux
    Épanouis, enivrés et heureux…

    Et la joie éclaboussée par son sourire
    Me transperce et rejaillit au fond de moi
    Mais soudain je pousse un cri parmi les rires
    Quand la foule vient l’arracher d’entre mes bras…

    Emportés par la foule qui nous traîne
    Nous entraîne
    Nous éloigne l’un de l’autre
    Je lutte et je me débats
    Mais le son de ma voix
    S’étouffe dans les rires des autres
    Et je crie de douleur, de fureur et de rage
    Et je pleure…

    Et traînée par la foule qui s’élance
    Et qui danse
    Une folle farandole
    Je suis emportée au loin
    Et je crispe mes poings, maudissant la foule qui me vole
    L’homme qu’elle m’avait donné
    Et que je n’ai jamais retrouvé…
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    1. Petite erreur : “Vidita je m’en vais” (par Hugues Aufray, 1967), ne vient pas de “La Vidita San Lorenzo”, mais de “Viene Clareando” une Zamba d’Atahualpa Yupanqui (ou d’Héctor Roberto Chavero) pour le texte et peut-être de Segundo Aredes pour la musique (à moins qu’il ne soit l’arrangeur de la version de Mercedes Sosa, la musique étant alors d’Atahualpa lui-même ; je n’ai pas encore pu trancher ceci). Elle a été enregistrée par Atahualpa en 1947 en version instrumentale, rééditée dans son album “Madre del Monte” en version chantée en 1981. Elle a été chantée notamment par Mercedes Sosa en 1974.

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